Le Monde Arthurien

Legenda Sancti Goeznovius, 1019/1199

Legenda Sancti Goeznovius, (1019/1199)

Rédigée à une date estimée diversement à 1019, 1090, 1099 ou 1199

Un seul Manuscrit du XVème Siècle, copie d’un original rapporté par Pierre Le Baud (XVème Siècle) et le Père Albert Le Grand (XVIème Siècle), et ayant sans doute été utilisé dans la Chronique de Saint Brieuc

Type C2 : Texte à Caractère Hagiographique se rapportant à Arthur

 

La Légende de Saint Goëznou est un texte extrêmement discuté, notamment au niveau de la datation, car il comprend un prologue intéressant l’Histoire de la (Petite-)Bretagne.

Extrait de la légende de saint Goeznou.

 

Au vénérable seigneur et père en Christ Vévêque Eudon et aux frères qui l'assistent dans le service de Jésus- Christ, Guillaume prêtre, leur serviteur, souhaite salut en Notre-Seigneur, en l'an de l'Incarnation 1019, vingt- quatrième de l’èpiscopat dudit seigneur évéque.

 

§ 1-

 

Nous lisons dans l’Histoire Britannique que les Bretons sous Brutus et Corinéus ayant par leur vaillance conquis Albion, qui reçut d'eux le nom de Bretagne, et les îles circonvoisines, virent croître leur nombre et prospérer leur empire, au point que Conan Meriadoc, très-bon catholique,très-brave guerrier, suivi d'une multitude infinie qui ne pouvait plus tenir dans l'île, passa la mer et vint aborder en Gaule au rivage armoricain.

 

Là, sa première résidence fut près du fleuve Guilidon, en Plou-Coulm, au lieu qui retient encore le nom de Castel Meriadoc. Avec ses Bretons il conquit glorieusement toute cette région jusqu'à la cité d'Angers, y compris les pays de Rennes et de Nantes, et tua tous les indigènes, qui étaient encore païens et pour ce motif nommés Pengouët, c'est-à-dire Têtes chenues. Quant aux femmes, leur ayant seulement coupé la langue pour les mettre dans l'impuissance d'altérer l'idiome breton, les compagnons de Conan usèrent d'elles en mariage et aux différents offices que pouvaient requérir les circonstances.

 

Puis ils bâtirent des églises en divers lieux pour chanter les louanges divines ; ils partagèrent en plous et en trefs le pays entier, qui depuis lors par grâce de Dieu fut dit Petite-Bretagne. Ainsi les Bretons d'Armor et les Bretons de l'île, usant des mêmes lois, s'aimant en frères, furent longtemps comme un même peuple régis par les mêmes institutions.

 

 

§ 2-

Par la suite des temps, Vortigern, roi usurpateur (de l'île de Bretagne), appela pour défendre le trône qu'il détenait injustement des guerriers de Saxonie et les associa à son pouvoir. Étant païens, ils firent mille maux aux Bretons. Leur arrogance fut ensuite pendant un temps matée par le grand Arthur, qui les chassa presque de toute l'île et les força de porter le joug.

 

Mais Arthur, après tant de glorieuses victoires remportées en Bretagne et en Gaule, ayant été rappelé du monde des humains, derechef devant les Saxons la voie pour rentrer dans l'île fut ouverte ; alors commença, terrible, l'oppression des Bretons, la ruine des» églises, la persécution des saints. Persécution continuée sous une longue suite de rois saxons et bretons, qui ne cessaient de se faire la guerre. Et bien que ces Saxons eussent donné à File le nom

d'une vieille cité de Saxonie dite Anglia et à eux-mêmes celui d'Angles ou Anglais, pour les Bretons ils n'ont jamais eu que le nom de Saozon.

 

Durant cette tourmente, beaucoup de saints personnages s'offraient volontairement au martyre. D'autres, suivant les conseils de l'Évangile, quittaient la Grande-Bretagne,qui est aujourd'hui Bro-Saozt passaient dans notre Petite Bretagne, quelques-uns pour échapper à la tyrannie païenne, beaucoup pour rendre à Dieu plus secrètement et plus dévotement dans la solitude un service qui lui fût plus agréable.

 

Texte extrait de Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, Tome IX, 1882

 

La question de la datation ne présente en fait un intérêt que pour savoir si cette Vie est antérieure ou postérieure à Geoffrey de Monmouth : en effet, elle se situe dans la même tradition : Conan fondateur de la Bretagne armoricaine, Corineus et Brutus fondateurs, et ce, même si elle ne présente pas Arthur comme un roi. Geoffrey ayant soi-disant tiré son œuvre d’un ouvrage ancestral en breton, la question est donc de savoir si ce prologue est lui-même tiré de Geoffrey, ou d’une source (qui serait alors « l’Histoire Britannique ») qui serait à l’origine du texte de Geoffrey.

Ce débat ne peut malheureusement être tranché : si des arguments convaincants montrent effectivement que la rédaction du texte est sans doute plutôt attribuable à la fin du XIème ou au XIIème siècle, aucune certitude ne peut être réellement avancée pour décider entre les trois dates tardives proposées.

La Vie en elle-même ne présente pas d’intérêt historique particulier pour la période qui nous intéresse, le saint Goëznou historique étant plutôt un individu du VIIème Siècle.

Commentaires

  • André-Yves Bourgès
    André-Yves Bourgès, Le dossier littéraire de saint Goëznou et la controverse sur la datation de la vita sancti Goëznovei, Les Lettres morlaisiennes, Morlaix, 2020, 252 p., ISBN 978-2-9568260-1-9.

    L'ouvrage peut être commandé chez l'éditeur (leslettresmorlaisiennes@gmail.com)

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